mardi 2 octobre 2007

Birmanie : le Bouddha, c'est sympa ?

La contestation birmane de ces dernières semaines a été déclenchée à l'initiative des moines bouddhistes du pays. Derrière cette constatation indéniable qui fait du clergé le parangon de l'idéal démocratique, se cache une réalité bien plus complexe, basée sur une vieille collaboration entre les tenants du bouddhisme et la junte au pouvoir

Tout le monde le sait, les moines bouddhistes, c'est top. Rien qu'au niveau du look. Bien avant Barthez, Vin diesel ou Bruce Willis, le look crâne rasé, c'est eux qui l'ont inventé. Il paraîtrait même que c'était avant monsieur propre, alors c'est pour vous dire...
Question fringue, pareil, un moine bouddhiste, c'est la maison de Marie Claire, le rayon rideau d'Habitat, bref, la quintessence des couleurs chaudes et saumonées hyper tendances dans tous les appartements branchouillos bobo et tous les trucs en O de France et de Navarre...
Et puis, en dehors de leur look, affranchissons-nous de ces considérations bassement matérielles, les moines bouddhistes, ce qui est bien avec eux, c'est qu'ils sont bouddhistes. C'est marqué dessus, comme le porc salut ! Et un bouddhiste c'est gentil : ça veut la paix, l'amour, ça vie dans le désœuvrement et la compréhension de son prochain... Du moins en théorie.
Dans la réalité, en Birmanie, on a tendance à mélanger les torchons et les serviettes, les militaires et les moines.

Diamonds are bouddha's best friends
C'est du moins ce qu'explique l'anthropologue Luisa-Maria Mitchell dans un article passionnant paru en mai 2007 dans le numéro 339 du magazine géo ("L'argent détourné du bouddhisme". Le magazine Géo c'est ici ).
On y apprend qu'en collaboration avec les généraux, le clergé local a pour habitude d'inciter la population à prouver sa dévotion par des donations extrêmement répétées, et donc de récolter des fonds à des hauteurs himalaïesques (des centaines de millions de dollars). Des fonds placés à la banque nationale, et, pour limiter les risques de détournement (celle là, c'est la meilleure), gérés par des militaires, des hauts fonctionnaires à la retraite... Ces fonds permettent la construction de temples qui feraient passer le plus grand des casinos de Vegas pour une vague cahute d'indigent bengali trônant sur une décharge de Dhaka, avec en plus des vrais diamant et des toits en vrai or. Tout ça dans un pays où l’observation du niveau de revenu moyen par habitant a nécessité la création d'un nouveau super microscope. Ce qui est top dans l'histoire, c'est que les entreprises nationales de btp ne sont jamais à cours de chantiers pharaoniques, et qu'il y a toujours des sousous dans les caisses de la banque nationale pour financer les projets d'hôtels de luxe pour riches chinois sur les terres de ces gagnepetits de paysans birmans. Et puis bien sûr, les militaires apparaissent comme les protecteurs de la religion.

Menu mac tong
Alors oui, les moines de bas étage, à leur niveau, en ont peut-être eu raz la jarre de voir leurs fidèles rebouffer pour la quinzième fois en un an les semelles de leurs tongs, régurgitées et recuites à chaque fois. C'est sans doute dans un élan sincère qu'ils ont arrêté de bouddher (oui c'est facile, mais ça fait plaisir) la rue et décidé de se prendre par la robe pour braver l'autorité. Il n'empêche que les pratiques du clergé ont participé depuis près de 30 ans à la fois à la paupérisation massive des birmans, mais aussi à la consolidation du pouvoir en place, en lui offrant l'appui ventru d'un bouddha en nacre et en or massif...

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